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Il a toujours ces mêmes yeux, ce regard un peu ébahi, ce sourire d'innocence qu'ont tous ceux que la vie décontenance et comble. Tavite Veredamu, c'est vrai, n'aurait jamais dû se retrouver dans cette baie. Sa place était à Nîmes, au quartier Colonel-de-Chabrières, peut-être même au milieu de ses collines, à Nakavu, à l'ouest de la capitale des Fidji.
Mais Tavite Veredamu (27 ans, 1,92 m) est bel et bien à San Francisco, prêt à défier la Jamaïque, à conquérir le monde. Depuis le 1er décembre dernier, il est international français, retenu à 44 reprises, déjà auteur de 115 points sur le circuit Sevens. Sous-officier au sein du 2e régiment étranger d'infanterie de la Légion étrangère, il a été repéré à Albi par Nicolas Leroux, l'actuel entraîneur adjoint de l'équipe de rugby à 7, alors qu'il évoluait avec l'équipe de l'armée. «Je n'étais pas forcément un adepte du 7, même si chez nous on pratique le rugby sous toutes ses formes, s'amuse-t-il. Christophe Reigt m'a appelé, j'ai participé à quelques stages et je me suis retrouvé à Dubaï sans vraiment comprendre ce qui m'arrivait.»
Tout est toujours comme ça avec Tavite. Soudain. Presque fortuit. «C'est une copine de ma soeur qui nous a donné l'adresse de la Légion, raconte-t-il. Je n'avais jamais imaginé cette voie-là. J'ai cherché sur Internet, j'ai écrit, deux mois après je me retrouvais à Paris pour des tests médicaux, trois semaines plus tard à Aubagne pour des épreuves physiques et psychologiques, puis ensuite à Castelnaudary pour mes classes, sous la neige, alors que je ne possédais que quelques shorts et des tee-shirts.» Le chemin vers le rugby est encore plus pittoresque. En 2009, il arrive à Nîmes, recruté dans une des compagnies de combat. Pendant trois ans, il ne pratique pas, par... méconnaissance. «Je regardais le rugby à la télé, rigole le troisième-ligne, mais je pensais que seul le Top 14 existait en France, et pas toutes ces divisions inférieures.»
C'est l'ancien international Julian Vulakaro, trois-quart centre bibendum, qui l'a guidé vers le RC Nîmes, en Fédérale. «Au début, se remémore son coéquipier Tim Daniel, ce n'était pas canon-canon, et puis dès le deuxième match, il a traversé tout le terrain avant d'attendre un coéquipier pour le servir, parce qu'il pensait que marquer tout seul serait assimilé à un manque d'humilité ! Tavite, c'est notre rayon de soleil, un mec simple qui se fout totalement de la gloire, qui aime juste être en famille et jouer au rugby.»
«Il n'a même pas conscience de l'étendue de son potentiel» - Tim Daniel, un coéquipier
Le pilier adore celui que tous les Nîmois surnomment affectueusement «l'Animal». «Parce qu'il n'a même pas conscience de l'étendue de son potentiel, justifie-t-il. Avant le 7, il n'exprimait réellement que 50 % de ses capacités. Oui, c'est un animal sur le terrain. Je me souviens d'un match, à Prades, où il avait inscrit trois essais en deuxième mi-temps. On était tous passés à côté en première et on lui avait mis une petite gifle dans le vestiaire pour le réveiller un peu...»
Veredamu adore cette vie, ces voyages, toutes ces aventures. Il est passé dans la compagnie logistique et peut s'entraîner avec plus de régularité. À Hamilton (Nouvelle-Zélande), il a joué contre son cousin fidjien, Jasa Veremalua, un moment évidemment particulier. «C'était tendu au village, rigole-t-il. Ma tante a sorti les drapeaux, un de chaque pays, je crois qu'elle a dû confectionner celui de la France. Les gens sont étonnés de ma trajectoire. Moi aussi...» Sa tante et tous ses amis vont suivre, bien sûr, cette Coupe du monde dont les Fidji sont à nouveau les favoris. Et les Bleus dans tout ça ? Ils sont passés à côté de leur saison, réalisant leur plus mauvais parcours depuis l'instauration en 2010 des premiers contrats fédéraux pour des joueurs spécialistes de 7.
La discipline stagne alors que la Fédération a investi massivement et que les ambitions vont bien au-delà de cette 13e place mondiale... Tavite fera de son mieux pour aider l'équipe de France à se ressaisir, à atteindre, comme en 2013, au moins les quarts de finale. «Je crois que j'ai progressé au fil des tournois, ose-t-il. À Dubaï, j'étais à 110 kg, je suis à 105 aujourd'hui, je me sens vraiment bien physiquement, et je crois aussi que j'ai maintenant quelques repères dans ce groupe.» Et toujours cette envie de croquer sans se poser plus de questions...
Tavite Veredamu en bref
28 ans.
105 kg, 1,92 m.
Poste : troisième ligne.
Club : RCNîmois (depuis 2016).
23 Le nombre d'essais qu'il a marqués en 44 sélections avec l'équipe de France de rugby à 7 lors des Sevens Series. Il a inscrit 115 points depuis décembre (2,61 points en moyenne par match).