Pro D2 – Benjamin Gufflet (Dax) : “Insupportable d’être jugé par des gens qui n’ont aucune expérience dans la gestion d’un club de rugby”
Benjamin Gufflet, le président de l’US Dax, était particulièrement remonté en fin d’après-midi, après avoir appris que son club venait d’être sanctionné d’un retrait de cinq points pour la saison prochaine. Il explique, ici, pourquoi, avant d’évoquer le changement du mode de gouvernance à Dax, la séparation avec Jeff Dubois, et les pistes pour composer le nouveau staff.
L’US Dax a, cet après-midi, été sanctionnée d’un retrait de cinq points, plus quatre avec sursis. Qu’est-ce qui vous est reproché ?
La décision vient de tomber, je n’ai pas tous les détails. Depuis trois ans, nous avons des budgets finalisés par des augmentations de capital qui sont tardives. C’est le lot de beaucoup de clubs. Nous n’avons sûrement pas été assez rassurants ces dernières années. On a des budgets compliqués à tenir, même si on les tient. Pour preuve, on a encore réussi, cette saison, à finir la saison avec une situation nette positive, grâce à l’effort que j’ai réalisé avec les actionnaires qui m’ont rejoint au conseil d’administration. Nous sommes sept à avoir participé à une augmentation de capital. On verra en appel, exactement, ce qu’il en est. C’est une décision hyper brutale et incohérente au possible. Je vais peut-être lancer un pavé dans la mare…
Comment ça ?
Ces personnes, qui nous jugent, sont des experts-comptables qui n’ont aucune connaissance d’un club. Elles ne jugent que des chiffres, des chiffres et des chiffres. Il faudra qu’elles se rendent compte du boulot que l’on fait. Les présidents, on en a marre de cette pression infernale qu’il y a sur nos épaules. Il faudrait qu’il y ait une remise en cause de ce système très oppressant et qu’ils nous laissent un peu tranquilles. Un jour, il n’y aura plus d’investisseurs dans le sport. La conjoncture économique est très dure. On se bat, on met de l’argent, on transpire et nous ne sommes pas encouragés. Je suis en colère aujourd’hui. Je vais écrire au président de la Ligue, Yann Roubert, pour qu’il se pose les bonnes questions sur ces organes de contrôle, qui sont à deux poids deux mesures sur les clubs. Ils auraient plutôt intérêt à être impartiaux pour tous les clubs. Ce n’est pas un bon état d’esprit. Il faut que ça s’arrête.
Qui visez-vous ?
Ce n’est pas un secret, dans ces organes de contrôle, c’est à la tête du client ! Des clubs, aujourd’hui, ont des budgets qu’ils bouclent en mettant des dizaines de millions d’euros chaque année ou des millions d’euros. Ce n’est pas notre cas. Je ne vais pas rentrer dans les détails, cibler un club ou un autre. Ce n’est pas mon style. J’aurai une conversation assez franche avec le président de la Ligue. Dans mon courrier, je vais lui indiquer que tout ça doit fonctionner différemment. Ça devient insupportable d’être jugé par des gens qui n’ont aucune expérience dans la gestion d’un club de rugby. Ils font des boulots, certes respectables, mais ce serait bien que ces commissions soient composées de gens du milieu. Qu’il n’y ait pas que des experts-comptables ou commissaires aux comptes.
Des clubs bouclent, peut-être, leurs budgets à coup de 10 millions d’euros, mais ils comblent les trous pour ne pas avoir de sanctions…
Oui, mais regardez, Biarritz est en train de le faire. Nous, on l’a fait. Foutez-nous la paix ! Laissez-nous travailler dans la sérénité. Il y en a ras le bol. Peut-être que je suis le seul à le dire, mais il faut que ça s’arrête, que les choses changent. Sinon, un jour, il n’y aura plus d’investisseurs dans le rugby et le sport en général. En France, c’est une grande spécialité, on fait fuir les investisseurs. Il faut une remise en cause et des fonctionnements différents. Il n’y a pas de barème, les règlements sont très mal faits, pas de dialogues. Je veux bien, mais un jour, il n’y aura plus de clubs. Il n’y aura plus que des experts-comptables dans des bureaux, qui font des règles souvent incompréhensibles, en demandant des “sur garanties” chaque année. C’est de pire en pire. Je suis en colère et fatigué de tout ça.
Revenons, quand même, au problème dacquois… Que vous reproche-t-on concrètement ?
Qu’il y ait des oscillations de budgets. Depuis trois ans, on nous demande d’avoir des budgets plus stables, qui ne soient pas financés en partie par des augmentations de capital. C’est un aléa important, et je peux le reconnaître, de savoir si les actionnaires vont remettre de l’argent chaque année. C’est le cas au club. Ce qui est incompréhensible, c’est que peu importe de savoir si le budget est tenu ou pas ! Là, on a passé la ligne d’arrivée, au 30 mai, avec une situation nette positive. Il faut arrêter de nous sanctionner. J’aimerais bien les voir, à eux, tenir des budgets…
Quand l’USD a-t-elle été auditionnée ?
Le 7 mai.
À ce moment-là, vous n’étiez donc pas en capacité de tenir votre budget ?
Il y avait des questions sur la capacité à tenir le budget, des tas de choses ont été demandés et on a apporté toutes les garanties demandées sur la date, au 30 mai. On a fait ce qu’il fallait. Le club n’a pas de sanction de rétrogradation. Si le budget n’était pas tenu, il y aurait eu une rétrogradation. Là est tout le paradoxe et ça me met en colère. L’ironie de tout ça, c’est qu’on termine la saison positivement.
Combien manquait-il, le 7 mai, pour rentrer dans les clous ?
400 000 €.
Quel est le montant de l’augmentation de capital ?
Sur l’année, près de 700 000 €.
Qui a contribué à cette augmentation de capital ?
Mon groupe, Stratton Oakmont Sports, de façon importante. D’autres actionnaires, aussi, de façon importante. Ce sont les membres du nouveau conseil d’administration nommé lundi : Thomas Medina, Xavier Ponteins, Emmanuel Coco, Gérard Cazeux, Adrien Asteggiano, Jean-Bernard Mayé.
En début de semaine, vous avez opté pour un changement du mode de gouvernance. Pourquoi ?
Ça a été décidé par le conseil de surveillance, qui avait acté ça. C’était une demande de plusieurs actionnaires. C’est un choix qui peut faire sens pour que le club soit plus facile à diriger, plus agile. Des actionnaires souhaitaient entrer dans l’organe de décision qu’est un conseil d’administration. C’est pour ça que tous les nouveaux membres du conseil d’administration ont abondé dans l’augmentation de capital.
N’est-ce pas un moyen, aussi, d’écarter les “anciens” ?
Non et je n’aime pas ce terme. Je les appelle les sages. Je suis très attaché à eux, ils sont encore actionnaires et ont la possibilité de nous rejoindre au conseil d’administration. Il y a des tickets d’entrée pour entrer au “CA”, car le club a besoin de carburant. C’est une règle du jeu, qui a été mise en place. Je discute beaucoup avec eux, ils sont influents, toujours à nos côtés. Philippe Jacquemain est président d’honneur du club, c’est aussi notre sponsor majeur. Il fait beaucoup pour le club. Je suis venu dans un esprit de rassembler. Après, le club évolue, les besoins aussi, c’est un nouveau cycle qui démarre.
Le ticket d’entrée était-il à 50 000 € ?
Oui, c’est ça.
Ce nouveau conseil d’administration n’est-il pas un moyen d’avoir la mainmise sur le club ?
Encore une fois, le CA valide les décisions du quotidien. Le plus important, c’est l’assemblée générale des actionnaires. Aujourd’hui, à Dax, il y a une trentaine d’actionnaires. Leur parole est importante. On se réunira en AG chaque année, c’est ça le plus important. Il n’y a pas de mainmise, c’est un nouveau fonctionnement qui est en place, qui est réfléchi. Il doit être efficace et agile. Avant que je n’arrive, le club était déjà en conseil d’administration. Il n’a été que pendant deux ans dans une gouvernance bicéphale. Il n’y a pas de rupture, mais un changement.
Ces derniers jours, on a appris que Jeff Dubois ne serait plus le manager de l’US Dax la saison prochaine. Pourquoi ?
Encore une fois, c’est du gâchis. C’était important de trouver une pérennité dans la collaboration avec Jeff. J’ai lu beaucoup de choses, pas forcément agréables et fausses, mais ça fait partie du jeu. J’ai agi, pendant deux ans, pour que ça fonctionne du mieux possible et que Jeff ait les meilleures conditions pour réussir. On doit beaucoup à Jeff, à l’environnement du club, aux actionnaires, aux membres du staff, aux joueurs, aux partenaires. Encore une fois, Jeff n’était pas du tout visé. J’ai échoué dans le fait de faire comprendre à Jeff qu’il fallait du changement, lequel était important au vu de la deuxième partie de saison qui n’a pas été bonne. Nous avons été derniers sur la phase retour, plus mauvaise attaque, plus mauvaise touche… Il fallait faire évoluer les choses. Jeff a préféré ne pas honorer sa dernière année de contrat. Je respecte complètement cette décision. On est en phase de discussion pour que les choses se terminent le mieux possible. Ça a un coût, qui a été budgété avant le 30 mai. Il ne pèsera pas sur les finances du club. Maintenant, il faut trouver une solution de façon imminente pour ensuite amorcer l’avenir du club avec un nouveau staff en cours de constitution. La reprise est prévue au 30 juin. On se tournera ensuite sur le match amical prévu à Mont-de-Marsan le 21 août. L’an prochain, on recevra Mont-de-Marsan à Boyau en amical. Il y aura une étape du Seven à Dax en août, c’est intéressant. Le budget sera sécurisé pour la saison prochaine. On va garder sensiblement le même, et si tout va bien, on le tiendra sans augmentation de capital.
Vous avez dû faire une augmentation de capital pour tenir votre budget et vous allez devoir payer pour vous séparer d’un staff sous contrat. N’est-ce pas un peu paradoxal ?
C’est comme ça, nous ne sommes ni les premiers, ni les derniers. C’est un CDD, on ne va pas obliger Jeff à venir le 30 juin, ce serait contre-productif. Une page se tourne, je le regrette et lui souhaite le meilleur pour la suite. Je sais qu’il repartira sur de beaux projets. Pourquoi pas en Top 14 ?
Jeff Dubois a-t-il quitté le club via une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail ?
C’est entre les mains des avocats qui se parlent. Mon seul souhait, c’est que ça se passe bien et que les deux parties soient contentes, que ça se passe dans la sérénité. C’est le cas. Jeff s’exprimera une fois que c’est acté. Je ne suis pas quelqu’un de conflictuel, j’agis dans l’intérêt du club et des actionnaires, dont je fais partie. On n’a pas réussi à trouver d’accord sur le mode de fonctionnement la saison prochaine. Je n’en suis pas responsable. C’est la fin d’un cycle, il faut se tourner vers l’avenir. C’est le sport.
Ne craignez-vous pas que cette histoire se termine devant le conseil de prud’hommes ?
Je ne vois pas pourquoi elle se finirait aux prud’hommes. Il n’y a aucune animosité de notre côté. Je ne crois pas qu’il y en ait du côté de Jeff. Ça ne m’enthousiasme pas, je pense que Jeff aurait aimé continuer avec d’autres conditions. La direction a souhaité des modifications dans son staff. Je pense qu’il y était favorable au début, puis finalement non et il a souhaité ne pas honorer sa dernière année de contrat. Moi, j’aurais aimé qu’il reste.
Vincent Etcheto sera-t-il le futur manager de Dax ?
Les discussions sont avancées avec Vincent Etcheto, mais tant que la séparation avec Jeff n’est pas actée, aucune communication ne sera faite. J’espère pouvoir annoncer le nouveau staff la semaine prochaine.
Qui seront les adjoints d’Etcheto ?
Ce n’est pas acté.
Félix Le Bourhis fait-il partie des candidats possibles ?
Oui, effectivement.
Le recrutement est-il terminé ?
Il est quasiment finalisé, il reste un ou deux postes à l’étude. On a déjà quatre recrues, on travaille encore sur deux profils : un centre et un deuxième ligne.